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FAQ

Vos questions, mes réponses

FAQ: FAQ

Quand passe-t-on du régime raisonnable à la perte de poids excessive ?

Dans une période de confinement inédite, mon régime est devenu très vite obsessionnel car j’étais coupée de toute vie sociale et sans aucune autre préoccupation que moi-même. Je me suis rendue compte que ma perte de poids devenait excessive lorsque j’étais littéralement obsédée par le besoin de voir les grammes perdus chaque jour sur la balance. Si bien que je me pesais après chaque repas et voir mon poids augmenter (ce qui est pourtant normal après avoir mangé !) me rendait hystérique au point de ne manger qu’une soupe le soir… Même 100g de perdu ne me satisfaisait pas, j’avais besoin de toujours plus !

Quels sont les signes qui doivent vous alerter que la maladie prend le dessus ?

Je ressentais la présence de cette voix intérieure qui dirigeait le moindre de mes mouvements et rapportait chacun de mes faits et gestes à cet objectif de perte de poids : compter les calories apportées à chaque repas, compter les calories consommées durant la journée, refuser les plaisirs ou les sucreries qui vous culpabilisent.

A-t-on conscience d’aller trop loin ?

Au commencement de mon processus d'amaigrissement, je me rends bien compte que la perte de poids devient une obsession mais certainement pas une maladie : j’étais convaincue que la reprise d’une vie normale sans restriction reprendrait après avoir atteint mon objectif. Pourtant, passée de 59kg à 53kg qui était mon objectif, j’ai décidé de continuer…et d’accélérer le processus pour atteindre in fine 43 kg.

Comment la perte de poids agit-elle sur votre rapport avec la famille ?

Je suis l’aînée de 3 enfants dans une famille de 5 personnes. Les réactions ont été différentes d’un membre à l’autre. Certains se montreront extrêmement compréhensifs et deviennent votre seul pilier, d’autres au contraire refuseront l’existence de cette maladie et joueront la carte de l’indifférence, voire de la confrontation. Votre rapport avec « la famille » pourra se solidifier à certains moments, mais également voler en éclats à d’autres. C’est pour cela qu’il est important de trouver ne serait-ce qu’une personne au sein de la famille qui puisse devenir votre confident et votre soutien…l’amour de mes parents a souvent été ma bouée de sauvetage.

Comment la perte de poids agit-elle sur votre rapport avec les amis ?

L’anorexie au pic de ma maladie m’a conduit à rompre tout contact « physique » avec mes amies. La peur du regard des autres, la peur des soirées où on se sent forcée à manger des aliments bannis de son alimentation (alcool, sodas, chips, bonbons, etc..) ont rongé mon esprit et m’ont contraint de devoir annuler de nombreuses propositions de sorties. Peu à peu je restreignais mon environnement de vie à mon seul cercle familial, loin de toutes tentations. Par contre, je n’ai pas hésité à parler à mes amies de ma maladie : leur soutien moral m’a été essentiel dans le processus de reconstruction. Je ne peux que vous inviter à parler à ceux qui ont votre confiance : les ados savent plus que d’autres vous comprendre et trouver les mots pour vous réconforter.

Les parents sont-ils mes alliés ou mes ennemis ?

Cette question est légitime car le rapport aux parents est tortueux durant cette période. Je les ai adorés et haïs à la fois. Adorés lorsque durant des heures ils me parlaient pour essayer de m’extirper de ma souffrance et trouver des solutions. Haïs lorsqu’ils m’ont forcée à aller à l’Institut Montsouris, interdit de faire du sport, supprimé la balance, ou montré leur impuissance à changer le cours des choses.

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Ma fratrie, que comprend-elle ?

Tout dépend de l’âge et de la relation que vous entretenez avec vos frères et sœurs. Les plus jeunes ont eu tendance à m’en vouloir car mes parents étaient monopolisés et préoccupés par mon cas. Un sentiment d’abandon apparaît. Peu à peu l’abandon fait place à une réelle agressivité ou j’en veux aux petits frères de ne pas me comprendre, et les petits frères m’en veulent de la moindre disponibilité des parents tout entier dévoués à trouver en vain des solutions qu’ils n’ont pas.

Dans mon cas, mes deux petits frères, âgés de 9 et 13 ans quand ma maladie s’est manifestée, ont su trouver les mots qui touchent : mots de réconfort simples et qui raisonnaient positivement en moi, mais aussi parfois les mots qui font mal sans filtre et sans retenue et qui pouvaient me plonger dans l’abîme.

Pourquoi les repas me font-ils peur ?

Les repas deviennent une véritable source d’angoisse car repas = aliments = calories = grossir… Les repas au restaurant ou chez d’autres gens s’apparentent à un enfer : plus de possibilité de composer « ses » repas en comptant minutieusement les apports de calories avec une balance de cuisine. Combien d’excuses ai-je utilisées pour ne pas aller diner dehors en famille…

Les études : refuge ou accélérateur d’angoisse ?

Les études pendant le confinement ont été un refuge important en me forçant à essayer d’occuper mon esprit à autre chose que ma propre personne. Le retour à l’école a lui été beaucoup plus violent : regard des autres, messes basses, niveau scolaire plus exigeant alors même que votre capacité de concentration est bien affaiblie. L’école vous renvoie l’image de celle que vous êtes devenue : une fille affaiblie qui a été semblable à ses pairs et qui ne l'est plus.

Peut-on jouir de sa perte de poids ?

Au début de la maladie, découvrir ces grammes en moins sur la balance en se pesant chaque matin, c’est une intense satisfaction ! La stratégie mise en place, scrupuleusement réfléchie et appliquée méthodiquement, marche.
Néanmoins, quand on prend conscience qu’une perte de poids supplémentaire devient synonyme d’hospitalisation, de danger vital (arrêt cardiaque, malaise), alors continuer à perdre du poids devient un enfer… On se situe dans une impasse dont on ne trouve pas l’issue, coincée entre la sanction vitale de continuer à perdre et l’angoisse de reprendre.

L’esprit est-il libre ou prisonnier ?

J’avais l’impression d’agir librement, d’être en contrôle complet de mon corps mais pourtant, j’étais guidée par une voix inconsciente… celle-ci répondait à toutes mes questions et préoccupations : qu’est-ce que je mange ce midi ? est-ce que je me ressers à manger ? combien de calories dois-je perdre durant ma séance de sport ? comment mentir pour cacher le repas que je n’ai pas pris ? La présence permanente de cette voix référente me terrorisait.

Quel rôle jouent les réseaux sociaux ?

Les réseaux sociaux jouent un rôle très dangereux. Passionnée de mode, j’ai toujours idéalisé les femmes fines, grandes, musclées et considérées comme « healthy » dans les différents supports de mode. Quand je suis tombée dans l’anorexie, j’ai commencé à analyser les moindres photos postées afin d’essayer d’atteindre cette « perfection ». Je passais mes journées à rechercher leur taille, leur poids afin d’établir leur IMC que je me fixais comme objectif. La consommation sans restriction des “Victoria Secret’s shows”, « What I eat in a day”, “A day in my life” m’ont donné les « recettes » de ma destruction. Je voulais avoir le même mode de vie que ces mannequins (sport quotidien, repas maisons aux propriétés nutritives précises) alors que j’étais une jeune lycéenne en pleine croissance supposée préparer son bac. Je dois dire que j’ai plutôt bien appliqué les leçons apprises sur le web puisque mon IMC, de 18.5 pour les mannequins en moyenne, était passé à 14.5 !

La perte des règles : une sonnette d’alarme ?

Arrive effectivement le moment où on perd ses règles. Cela n’a eu aucun effet sur moi car pas « visible » pour l’œil tiers et sans impact sur son apparence physique. La fécondité était aussi lointaine de mes préoccupations. Par contre, il n’en a pas été de même pour la perte des cheveux qui a été une catastrophe pour moi. Je ne pouvais plus me coiffer, me laver les cheveux, mes copines ramassaient mes cheveux sur le sol de la classe...un vrai traumatisme.

Le sport : du loisir à l’obsession

J’ai toujours été très sportive avec une envie de me dépenser : danse pendant des années au conservatoire, tennis en club, badminton à l’école. Durant ma maladie, le sport ne m’intéressait plus. Brûler des calories était ma seule motivation – l’exercice physique pur. Je cherchais à bouger en permanence en plus des séances de sport à l’école : porter des objets lourds (porter les courses, monter les valises par les escaliers, charger la voiture), bannir l’ascenseur quitte à prendre les escaliers de secours, marcher dans Paris au lieu de prendre les transports en commun, faire du sport dans les toilettes à l’insu de tous, bouger mes jambes en cours, etc…

Comment décide-t-on de rebondir ?

J’ai décidé de rebondir quand j’ai compris que si je ne n’arrivais pas à prendre du poids d’ici la fin des vacances d’été, j’allais être hospitalisée car mon état physique était devenu alarmant. L’idée d’être coupée de ma famille, de mes amies, de laisser mes études de côté m’était insupportable. Le couperet de devenir interne à l’Institut Montsouris, que je fréquentais durant mes séances de suivi médical, m’a forcée à réagir.

Comment regagner du poids ?

Je n’ai pas regagné du poids de manière progressive. J’avais décidé subitement de gagner 7 kilos en 2 semaines juste avant la rentrée des classes, en ingurgitant chaque soir des quantités déraisonnables de nourriture… Pour moi, c’était une victoire et un retour vers la vie normale. Mais petit à petit, c’est la boulimie qui s’est installée.

Le retour au poids normal est-il un retour à la normale ?

Dans mon cas, le retour au poids normal a été très loin d’être un retour à « la normale ». Dans la phase anorexique, votre maladie transparait aux yeux de tous. Les gens savent et voient que vous êtes malade, et donc se comportent différemment avec vous, souvent avec prévenance et gentillesse, même si c’est souvent aussi avec maladresse. Mon retour à mon poids régulier s’est accompagné d’une réelle bataille quotidienne contre la boulimie. Ce combat-là ne laisse aucune trace sur mon apparence physique tout à fait normalisée. Et pourtant le combat est là, permanent et éprouvant. Seuls les gens dans la confidence le savent. Mais cette lutte ne porte aucun stigmate physique, et donc les gens autour de vous voient et vous croient comme n’importe quelle autre adolescente. Plus de retenue, plus de compassion, plus de patience, alors même que l’esprit reste préoccupé.

L’isolement de la famille peut-il être bénéfique ?

Pour ma part, l’isolement familial a été bénéfique à la fin de ma maladie, mais cela ne l’aurait pas été avant car j’avais besoin de leur réconfort et soutien au quotidien. J’ai demandé à m’inscrire à l’internat de mon lycée Notre Dame de Sion pour mon année de terminale, du lundi au vendredi – et je suis la seule parisienne de l’internat qui habite à 10 minutes de là !
Ma boulimie a eu des effets très pernicieux que je n’avais pas anticipés : sortis épuisés et exsangues de la période d’anorexie, mon entourage et ma famille n’avaient plus les mêmes ressources pour m’accompagner dans cette nouvelle phase de boulimie dont je ne portais pas encore les stigmates physiques. La séparation de la famille peut alors aider les uns et les autres à retrouver une sérénité bénéfique à tous. Cela a été le cas pour moi.

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Anorexie et boulimie : une même maladie ?

La boulimie a été pour moi l’étape suivant l’anorexie. Le retour des trois repas, les plaisirs sucrés et salés déstabilisent l’organisme qui a perdu l’habitude de ces apports en calories. Mon corps avait besoin de se reconstituer, de reprendre des forces et ce par un apport important de nourriture. J’avais un besoin de manger des masses de nourritures « grasses » : j’ingurgitais pendant une période relativement courte, généralement le soir après diner, une quantité incroyable d’aliments. La culpabilité s’installe alors, et la restriction voire la privation de nourriture devient la seule solution pour reperdre le poids gagné du fait de cet apport nutritionnel conséquent. Malheureusement, un cercle vicieux s’installe car se restreindre c’est accroître son envie pulsionnelle de manger.

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Faut-il consulter un médecin ?

Oui, Oui, Oui !!!
J’ai consulté un médecin trop tard car je m’y suis refusée trop longtemps, malgré les injonctions de mes parents. C’est sous la menace de voir le Samu débarquer à la maison que je m’y suis résolue. Ne fais pas la même erreur que moi. 
Je suis suivie par un médecin psychiatre à l’Institut Montsouris. Le rôle du médecin est essentiel : il écoute sans juger et sans surréaction affective ce qui permet un dialogue apaisé, il connaît par cœur la maladie et ses difficultés, il sait comment t’accompagner pas à pas vers le bout du tunnel. Mon humeur m’a amenée à annuler à la dernière minute beaucoup de ces séances, mais chacune d’elle a pourtant participé à ma rédemption. Chaque séance individuelle est suivie d’une séance avec mes parents durant laquelle, tous les quatre, nous échangeons librement et en confiance sur les progrès réalisés et les difficultés. On en ressort plus serein et plus confiant. Merci à mon docteur de l’Institut Montsouris qui se reconnaîtra !

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Faut-il en parler à ses professeurs ?

Les effets de la maladie ont été réellement handicapants dans la poursuite de mes études: une perte de concentration dans le suivi des cours à l’école, une perte d’efficacité ahurissante dans les devoirs à la maison, des coups de déprime qui me clouaient au lit le matin plutôt que de partir à l’école. Mes parents et moi en avons donc parlé au proviseur du lycée, professeurs, et autres personnels éducatifs. Leur accompagnement a été remarquable en me procurant la flexibilité et l’indulgence dont j’avais besoin. Le souci du personnel éducatif a aussi été de s’assurer que j’étais bien suivie médicalement par de vrais spécialistes, saine réaction car chacun doit rester dans son rôle: l’école pour éduquer et les médecins pour soigner. 
Un grand merci à mon lycée pour leur bienveillance.

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Quelles sont les causes profondes de cette histoire ?

Je ne sais pas, et je ne le saurai peut-être jamais. Il me semble que la conjonction de la pandémie, l’isolement, l’intérêt pour la mode et la fascination pour les mannequins ont été les ingrédients d’un cocktail explosif. Mais sans doute aussi le manque de confiance en soi, la peur d’un futur incertain, une incapacité à se projeter sereinement dans l’avenir que mon environnement affectif immédiat n’a pas réussi à apaiser suffisamment. 
Vaut-il mieux s’évertuer à trouver les réponses dans notre passé individuel, ou au contraire accepter qu’on ne les aura peut-être jamais et apprendre à vivre avec ce questionnement sans réponse satisfaisante ?

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